Monsieur Loyal et ses écuyères à paillettes ont du souci à se faire. Avec le Cirque Plume, le cirque laisse enfin ses gros sabots ringards à la porte du chapiteau. En représentation jusqu’à samedi prochain sur la Place des Expositions, la troupe de joyeux drilles fait oublier les fauves mités et les clowns braillards en emportant le public dans un univers où l’humour n’a plus un gros nez rouge
Les caravanes passent et ne se ressemblent heureusement pas. A des années-lumière de la clinquante Piste aux Étoiles, le Cirque Plume pose et impose de plus en plus son petit chapiteau jaune banane sur toutes les places de France.
De retour au Havre, la troupe n’est comme d’habitude pas arrivée les mains vides et l’imagination en rase-mottes Elle a pris le temps de concocter un nouveau spectacle tout en "Plume" tournant comme une toupie autour de cette grande question fondamentale : "L’harmonie est-elle municipale ?".
Si l’interrogation frise le sujet d’examen version Bac Philo la réponse qu’a choisie d’en donner le cirque Plume n’est surtout pas à prendre au sérieux. Certes le plan du spectacle ressemble à s’y méprendre au fameux "thèse, antithèse, synthèse" cher à la construction de tout discours qui se respecte, mais l’académisme de la démonstration s’arrête là.
La thèse de départ, c’est la femme ou plutôt les femmes.
Sur scène, elles sont six à faire valoir leurs charmes dans la séduction et la ruse. Leur petit monde est fait tout entier de soie vaporeuse, de chants flûtés et de gestes graciles.
Perché en équilibre sur un trapèze, posé délicatement sur un fil ou drapé dans un colonne d’étoffe tombant du ciel, le corps y est aérien, souple et sans entraves.
Sur terre, l’impression se renforce encore. La musique assouplit les mœurs et la femme se joue de la pesanteur en étirant sa silhouette au gré d’arabesques finement ciselées.
L’antithèse repose sur les épaules de six rouleurs de mécanique. Hâbleuse et cacophonique, la gente masculine déboule dans le spectacle à grands coups de grosse caisse et de trombone à coulisse. A la douceur satinée succèdent les gros godillots et les démonstrations de fiers à bras. Entre un cycliste fou aux allures de ZZ Top lobotomisé qui rebondit comme un yoyo sur un trampoline et "zorro" minable qui cache sa trouille derrière les claquements de son fouet, les hommes ont la séduction aussi gauche que fanfaronne.
Quand les deux mondes se rencontrent. c’est le grand Big Bang.
A ce jeu éternel du chat et de la souris, les femmes s’en tirent évidemment bien mieux que ces balourds au gros cœur d’artichaut.
Futées, matoises, elles attirent pour mieux repousser. Mais quand la fusion s’opère enfin dans la confusion des ombres chinoises, la parenthèse est belle et le public retient son souffle.
Contorsionnistes, acrobates, musiciens, chanteurs, les douze acteurs endossent tous les costumes.
Au cirque ’Plume", les rôles s’inversent à l’envie pour servir me partition qui se joue en canon. Le résultat offre une tonicité à la puissance douze, voire treize si l’on compte le drôle de cabot à l’œil poché qui vient organiser la claque de fin. Le chien aboie et la caravane d’applaudissements passe et repasse. On appelle ça un beau succès de "Plume"...