Préparations (extrait n°12 du 19 mail 2008)

Lundi 19 mai 2008 :
J’ai fait un rêve…
Non, pas pour le quarantième anniversaire de la mort de Martin Luther King (4 avril), mais hier, à l’issue de la première période de recherche de "L’atelier du peintre", quand la fatigue des quatre semaines me tomba sur le corps d’un seul coup, et que je m’endormis comme une souche un dimanche. Dans l’obscur réveil à demi ensommeillé qui suivit, je voyageais vers le vrai tableau du peintre.
Voici mon rêve :
J’étais dans un immense champ de terre labourée, recouvert partiellement de neige, ordonné selon la régularité poétique des formes de la nature, un monde de blanc immaculé et de brun terre riche fraîche et foncée.
Un champ d’hiver qui attendait le printemps, le renouveau, la vie, avec l’alternance du blanc virginal de la neige, immaculée et juste salie de lumière vive et de noire terre féconde déchirée par la herse, taillée comme à la serpe en grosses mottes.
L’ensemble formait un motif d’écriture, de calligraphie, et de fait, une partition musicale.
Au cœur de ce champ blanc et terre, chantait une musique, j’y posai un chevalet de bois et sur ce chevalet une toile peinte. Peinte de l’exact motif du champ labouré recouvert partiellement de neige.
Au centre duquel motif de champ de neige et de terre, était peint également un chevalet supportant une toile… peinte.
Et puis non ! Non, décidai-je éveillé : un chevalet supportant une toile blanche qui attendrait le peintre…

Aujourd’hui j’aimerais que ce motif soit l’affiche (ou une affiche) du spectacle "L’atelier du peintre".
Mais reste à trouver le champ, la neige, à attendre l’hiver, à peindre le motif, à trouver le peintre (j’ai une idée…).
Et à faire naître le printemps.
Ce rêve est "L’atelier du peintre". La page blanche, la terre et le printemps, la vie.
"L’atelier du peintre" comme lieu de la création.
À la lumière éblouissante de ce rêve, je peux vous parler de ces 4 semaines de travail de recherche.
Mais revenons en arrière…

Voici ce que j’avais écris (c’est bête, j’ai omis de vous l’envoyer dans les temps) le 9 avril 2008, il y a presque 1 mois et demi :

9 avril 2008 :
Dans une semaine nous commençons les répétitions de "L’atelier du peintre".
J’ai fini le travail de préparation. Sous forme d’un organigramme qui reprend toutes les idées qui doivent être mises à l’épreuve de la réalité.

Sous les paragraphes titrés par exemple "créer des œuvres de peinture" ou "créer des œuvres de lumière", ou le "travail du cirque" ou bien plus simplement "L’atelier du peintre", il y a les sous-rubriques d’éléments du spectacle.

Prenons l’exemple le plus simple : dans la rubrique "travail du cirque", nous avons les jonglages, le trapèze triangle, le trampoline, la roue allemande, etc. Dans la rubrique "créer des œuvres de peinture", nous trouvons une séquence "Dibutades", où nous travaillerons sur ce mythe. Dans la rubrique "créer des œuvres de lumière", il y a tout un travail à partir de miroirs. Mais je n’irai pas plus en avant sur les détails…
Pour la troupe, j’ai dessiné des scènes qui pourront expliquer le chemin que nous allons suivre. À chaque titre, il y a un ou plusieurs dessins ou photos.

En fait, je souhaitais ne pas trop en dévoiler, mais… je craque ! Je vous montre le début de "Dibutades" :
Dibutades {JPEG}
Dibutades {JPEG}
Dibutades {JPEG}


Au boulot :

Photo du campement - Salins-les-Bains, printemps 2009 {JPEG}

Pour commencer et pour travailler, il faut une équipe. La voici :

Avec Jean-Marie Jacquet, le directeur technique, nous préparons (surtout lui !) depuis quelques mois les éléments techniques qui permettront de passer de l’idée au réel. Toiles, peintures, cadres, éléments de lumières, parties de sculptures ou de mannequins (homme et femme). Miroirs, bouteilles. Terre.

Robert Miny, de son côté, a déjà plusieurs propositions musicales, dont une ou deux déjà orchestrées. Alain Mallet a créé sur ma demande une gamme pentatonique avec les éclats de bouteilles brisées et il bosse sur plusieurs gammes diatoniques.

Image anachronique de Bob Miny, en pleine composition pendant la période de recherche en mai
CARNET DE CREATION | "L’atelier du peintre"

Nicolas Boulet bosse le travail de percussion dans la semoule (sans pédaler). D’autre part, depuis 2 ans, il s’est mis au cor d’harmonie, instrument rare au cirque. Lolo Tellier retape sa maison et attend un événement qui va l’"engivrer" ("private joke") de bonheur. Brigitte Sepaser bosse dur la clarinette basse et les castagnettes, spécialement pour ce spectacle.

Côté "techniques de cirque", Laura Smith et Mark Peklo ont installé dans leur demeure un trampoline à demeure, justement. Kristina Dniprenko nous arrive du Québec dans quelques jours, nous lui avons fait fabriquer une roue allemande toute neuve qui lui épargnera les voyages avec un bagage impossible à trimballer dans les trains de notre beau pays.

Côté clown, j’ai branché Hugues Fellot sur une idée de petite fleur, en continuité avec son travail et en relation avec mon ami Charles Belle (vous en avez eu une image dans la précédente missive).
Un autre clown, ou personnage comique, nous rejoint : c’est l’immense Tibo "Toucourt" Schoirfer, de Toulouse. Il s’est remis à l’entraînement d’accro et affine son jeu de balle sonore. Tibo m’a donné envie de travailler le masque dans ce spectacle. Pierre Kudlak travaille à "péter les plombs", titre de sa prochaine création circo-picturale.

En parlant des techniques de cirque, il reste une place dans "L’atelier du peintre" pour une artiste prévue dont je vous parlerai dans ma prochaine lettre. Nous devons nous rencontrer prochainement. Nous serons probablement 12 artistes, mais un (ou une) 13ème est possible, si cela se révèle nécessaire.

Pour les costumes, ce sera probablement Nadia Genez (comme pour tous nos précédents spectacles), mais nous ne savons pas encore quelle en sera la ligne artistique (peut-être emprunterons-nous une direction que nous n’avons encore jamais explorée). Nadia est venue passer une journée au chapiteau, nous avons beaucoup parlé… elle reviendra en novembre au moment de la prochaine période de recherche, pour comprendre comment ce spectacle évolue et ce que cela peut vouloir dire pour la costumière.

Antoine Page, qui a filmé la création de "Plic Ploc" (si tu crois que je vais employer le mot anglo-américain pour désigner cette catégorie d’œuvre, c’est raté !), prépare ses caméras et ses idées. Car en plus de créer un documentaire sur la création de "L’atelier du peintre", il devient aussi, comme vidéaste, un des acteurs de ce spectacle qui comportera une caméra indésirable, tenue par Laura Smith en journaliste de C.N.N. ou autre chaîne omniprésente dans les cerveaux du monde entier. L’atelier du peintre ne peut pas voir la vidéo en peinture, mais ne peut plus faire autrement que de vidéotéter l’art et les artistes.

Fabrice Crouzet affûte ses projecteurs (Bérangère Motch lui donne la main), car on ne peut pas faire un travail sur l’atelier du peintre sans que tout baigne dans la lumière. Jean-François Monnier a déjà travaillé sur le son avec Robert Miny et Alain Mallet pour comprendre comment sonoriser le concert de bouteilles brisées. Du coup, le maestro, en enthousiasme pour le résultat, a déjà composé sa ballade pour morceaux de bouteilles cassées.

Dom Maire et Alain "Chouchou" Martinez se préparent aussi à ces 4 semaines de recherche, car ils savent combien ils seront sollicités au plateau. Geoffroy De Hasque nous assistera pour toute la création, puis nous quittera lors de la tournée pour retourner dans sa belge nation préparer un nid pour le futur et reprendre les entraînements de fil de fer, sa discipline favorite.

Pour la construction technique, Jules "Savonarole" Delière construit un mobile (carillon) de bouteilles (encore des bouteilles ? Oui, elles sont si présentes dans les ateliers : "demande Bacon", comme on dit en Alsace !) et imagine une préparation lumineuse pour elles. Jules est notre constructeur bois attitré. Dominique Lainé, son compère, est le constructeur attitré ferraille, mais en vrai ils bossent ensemble. Ainsi qu’avec Donat Durin.

Notre fidèle Régis Kouzmine (tellement il est là depuis longtemps qu’on a oublié la date de son entrée dans l’équipe. À vrai dire, c’est comme Al Mallet !) a déjà réuni beaucoup de matière et de matériel pour les répétitions. Il organise également toute la maintenance du campement (par ailleurs, il dirige la régie plateau du "Cabaret des valises").

Pour avril-mai, le script de cette période de recherche sera assuré par Soraya Kudlak et j’aurai dès novembre un assistant à la mise en scène.
Nous rejoint également une amie de longue date (nous avons même fait une tournée de manche estivale ensemble avec un spectacle de cirque de rue en 1983, c’est dire !) : Brigitte Renaud, artiste complète (à la jonglerie, au piano, au chant, de l’écriture et la composition jusqu’aux arts plastiques) et surdouée, qui fabriquera les moulages des corps, les masques du spectacle et autres fantaisies réalistes.

Qui nous connaît un peu sait qu’il ne pourrait y avoir de spectacle sans la cuisine du Cirque Plume et sans nos cuisinières Sophie Duvernoy et Solange Hugonnot. Elles seront là à veiller - et combien ! - à la santé culinaire et au moral des troupes par "mijotation" tendre et délicieuse de petits plats pour les grands et les petits.

Sans l’équipe de montage de chapiteau, pas de répétitions non plus : derrière Jean-Philippe Pernin, se mettront à l’ouvrage dans une semaine (je les salue ici) Eric Barbier, William Berne, Xavier Bony, Jean Chertier, Patrice Colonna, Eric Gigandet, Xavier Marmier, Alexis Nabet, Eric Vignal.

Et bien entendu, toute l’équipe administrative travaille également pour ces répétitions : Dom "Guadeloupe" Rougier, mon correcteur bronzé (ce qualificatif est un correctif "private joke" du 25 mai) qui prépare en parallèle le budget de production de ce futur spectacle, Hélène Adrian et Thuy Phong Pidancet, nos comptables, Marie-Laure Lanouzière (qui fut la scripte de "Plic Ploc") coache Soraya et Laurent Fixary, qui coache Bernard Kudlak pour l’informatique (et ce n’est pas tout simple, je compatis).

Notre chapiteau s’installe comme d’habitude à Salins les Bains, dans le Jura : grande ville au Moyen-Âge, citée par Villon au moins par 3 fois, dont la fameuse "Ballade en vieil langage François", dans laquelle chaque couplet finit par "Autant en emporte ly vens". Ballade qui, chronologiquement, vient juste après l’autre célèbre "Ballade des dames du temps jadis" dont les couplets finissent par "Mais ou sont les neiges d’Antan ?"
On le dit encore par ici. L’un et l’autre.
Allez, chers édiles de Salins les Bains, petit bourg laborieux ou déprimé jadis Capitale Richissime, investissez dans la culture et elles reviendront, les neiges d’antan (à moins que ce ne soient les palmiers du futur, au train où ça va.)
Autant en emporte ly vens ? À vous de voir !
À la prochaine, après les répètes.


Mercredi 21 mai 2008 :

Et hop voila nous y sommes après les répètes.
Autant le dire tout de suite, nous avons bien travaillé ! Je suis content de ces 4 semaines de travail.

Un instant au cours du travail …Lolo, Hugues, Alain et Joseph Beuys en terre ?
CARNET DE CREATION | "L’atelier du peintre"

Nous verrons, à la lumière de ce que j’avais écrit en avril, ce que nous avons fait et ce à quoi nous avons renoncé.

Pour vous faire patienter :

Alain Mallet dans une symphonie pour éclats de verre de bouteilles brisées
CARNET DE CREATION | "L’atelier du peintre"

La suite dans un prochain envoi qui ne saurait tarder (la passion du feuilleton !) Je vous embrasse.

Bernard Kudlak