Les impressionnistes de la piste
"L’atelier du peintre", la 9e création du Cirque Plume, implanté en Franche-Comté, pousse du bout du pinceau le public vers la toile...
Dans la neuvième et nouvelle création du Cirque Plume, implanté en Franche-Comté, Bernard Kudlak, auteur et metteur en scène, mêle le réel, l’imaginaire, le virtuel, l’onirique et l’ontologique. II voulait un lieu de rire et de fraternité, de musique et de sueur. Il voulait des êtres heureux et perdus, en joie et en souffrance. Ce lieu, c’est "L’atelier du Peintre", l’endroit de la création.
II y a la toile et l’envers de la toile. La toile et les enduits. Les couleurs, par couches successives de vie, de doutes. Dans "L’atelier du Peintre", il y a la lumière et l’ombre, la terre, l’eau, des reflets en miroirs. "Arrête de faire l’aveugle Robert, regarde le monde, fais-le danser !". Entrez dans la galerie, écoutez l’écho de la beauté du monde. Accordéon !
Le spectacle porte des mémoires, de peintres, d’abord, Vélasquez, Fontana, Bacon, d’autres aussi... II en gomme de trop contemporaines, hâbleuses, tricheuses. Ah ! Ces oeuvres feuilletées et oubliées du Lagarde et Michard, ces interrogations et ennuis devant les pages jaunies. Jusqu’à l’étincelle parfois.
Dans "L’atelier du Peintre", Plume réunit toutes ces étincelles, des images et des notes, avec du verre, des ombres, de la semoule, des pas, des vérités, des mensonges, des petits arrangements entre les deux.
Mais n’allez pas croire que Plume prend la tête, entre inspiration et création. Nous sommes au cirque. Ici, questions et suggestions "trampolinent", s’équilibrent sur un fil, jonglent plus encore que par le passé, l’art circassien est mis en avant. Roue allemande, funambules, portés, main à mains, sangles, acrobaties… ils sont tous dans "L’atelier du peintre", parce que l’art et ses questions, parce que la représentation, le commencement : c’est la vie. Avec tous ces wagons que l’on traîne derrière soi, que l’on pousse devant soi, avec les quais de départs et les quais d’arrivée, les artistes déboulent, passent, s’arrêtent ou se rencontrent. Ils viennent du passé, de la rue ou d’ailleurs, emplis de nostalgies, d’espoirs ou de blessures. Et jouent et rient et s’aiment.
Les corps parlent, se cherchent, s’approchent. II y a l’être et son double, son trouble, il y a l’être et l’autre, et ces toiles du peintre qu’on ne voit pas.
Plume, de spectacle en spectacle, saisit au rebond la poésie, ces petits riens inventés et déroulés, émerveille d’une balle de lumière, d’un souffle, d’un instant retenu, de grâces suspendues. Plume tonitrue en fanfare et se bat à coups de pots de peinture dans la figure.
Sortir du tableau, y entrer, toucher la création, l’emporter, se laisser guider par elle, Plume impressionniste, invite à voir, entendre, se laisser bercer par la beauté du monde sans être dupe, sans renoncer.