Didier Méreuze
À chaque création, c’est la même chose. Avant de partir en tournée, le cirque Plume présente gracieusement le résultat de son travail à Salins-les-Bains, la petite ville qui l’accueille chaque fois tout aussi gracieusement pendant trois mois - le temps des répétitions. Cette année, comme les autres, le rituel a été observé. C ’était il y a quelques semaines. Aujourd’hui, c’est par une longue halte à Paris que le cirque Plume entame sa tournée, à l’espace chapiteaux de la Villette, haut lieu des arts de la piste en France. À son affiche, l’un de ses plus beaux spectacles, des plus riches, des plus purs, des plus chauds : Mélanges. Pas d’histoire ici, a priori, mais un personnage prétexte (un ange SDF égaré sur la terre) à des rencontres en tout style, en tout genre à l’enseigne d’un "nouveau" cirque sans ani-maux ni paillettes. Seuls comptent la poésie et la grâce dans la confrontation d’artistes complices par-delà les générations. Le plus vieux, c’est Bernard Kudlak, 45 ans tout juste, jongleur, metteur en scène et codirecteur avec son frère Pierre (musicien haut-vol et moustache fine pour M. Loyal) du cirque Plume qu’ils ont fondé ensemble (c’était il y a seize ans déjà) en compagnie de quelques copains dont plusieurs sont toujours présents comme Michèle Faivre et Brigitte Sepaser, délicieuses musiciennes chanteuses qui forment avec Heather Joyce un trio singulier, entre "trois grâces" et sorcières de Macbeth ; comme encore Jean-Marie Jacquet magicien musicien qui, en un instant unique, s’envole dans les airs sur une contrebasse comme d’autres sur un balai... La plus jeune c’est Sophie Mandoux, la trapéziste d’à peine 21 ans, toute nouvelle dans la troupe, de même que Séverine Allarousse la danseuse, Sébastien Brun l’acrobate ou Iris le Basque aux jonglages fous, aussi étonnant lorsqu’il fait glisser les balles sur son visage lisse ou danser les chapeaux sur son crâne chauve, dans un corps à cœur singulier avec la femme - Heather Joyce.
Sous leur charme, ce qui pourrait n’être qu’une suite de numéros plus ou moins réussis prend des allures d’enchantement permanent. Le rêve est au rendez-vous L’imagination, l’humour aussi, alors qu’un balai se métamorphose en barre de gymnastique. Sur le plateau traditionnel qui remplace la piste, sous le chapiteau, les images, les sons, les performances se mêlent et se confondent. Les images, outre la contrebasse qui s’élève dans le ciel, ce sont les jeux d’ombres derrière le rideau blanc, le vélo qui traverse le chapiteau au-des-sus du public. Les sons, ce sont ceux d’une musique à la fois populaire et sa-vante pour rythmes rock, valse mu-sette et autres ou encore le petit air incongru des téléphones portables ! Les performances ce sont celles des équilibres sur trampoline ou l’inénarrable partie de patins à roulettes proposé par Bonaventure Gacon, un "jeune" de 25 ans au talent très riche de pro-messes. C’est lui l’" ange" aux plumes blanches qui se perdent dans l’espace. Barbe et chevelure hirsutes, mais une candeur très belle portée par un regard qui se perd dans la douceur que l’on voudrait ne voir finir jamais .