Tina Brambrink
Dans un grincement une bicyclette passe en trombe sous le chapiteau, le manche à balai se transforme en barre de gymnastique, un musicien plane sur sa contrebasse, une plume danse en sautillant sur la corde. Le Cirque Plume est de retour et soudain tout est possible. Les frontières entre théâtre, danse et cirque s’estompent. Cent minutes durant, le plaisir fait des culbutes sous le chapiteau dressé sur le site Auguste Victoria à Marl.
Jusqu’au 13 juin, les artistes de la compagnie française de Bernard Kudlak présentent la première de leur spectacle international "Mélanges - opéra plume" au Festival de la Ruhr. Parmi tout le tapage que provoque ce spectacle, c’est cette fois avant tout la poésie qui captive les spectateurs. Un ange diablement ébouriffé s’est égaré et plane sous le faîte du chapiteau, tel un fil conducteur, tout au long du mélange non-stop de numéros de clowns, d’acrobaties et de musique en direct.
Tableau après tableau, l’insolite compagnie envahit la scène et révèle des qualités inattendues : un chœur discordant de femmes s’avère être un talentueux trio d’instruments à vent, l’étonnante femme de ménage s’étire de façon provocante dans une banderole, et jusqu’à l’agaçante sonnerie d’un téléphone portable qui se transforme soudain en une harmonieuse mélodie. Chacun excelle dans son art, tous s’en tirent sans le traditionnel roulement de tambour intimant au public de retenir son souffle. Pas de laborieux tours de force mais des jeux d’ombres fantastiques avec des balles et une pantomime onirique, avec des plumes et des foulards, évoquent sans cesse de nouvelles correspondances. Tableau après tableau, les genres se mélangent. Un chant a capella rythme la danse de balles sur un crâne poli ; le numéro de jonglage avecdes chapeaux melon est un froufroutant pas de deux d’une grande tension érotique ; les acrobates et les musiciens évoluent les uns parmi les autres en un tourbillon effréné. Dans des chorégraphies minutieuses, les quatorze artistes de la compagnie s’emparent de la scène.
L’ange établit des ponts entre les personnages, entre les genres. Un pot-pourri musical enchaînant les rythmes de rock et de tango, les chants yiddish et les chansons signées Robert Miny sous-tendent les saynètes qui parlent d’amour, de pouvoir et de paisible cohabitation. Un style indéniable souligne la plaisanterie, tisse la trame poétique, accompagne le comique tapageur.
Bien que quelques détails restent à parfaire, on souhaiterait avoir mille yeux pour ne pas manquer la moindre curiosité du spectacle "Mélanges". Le déferlement d’applaudissements à l’issue du spectacle semble ne pas vouloir finir. Le chapiteau en tremble.