Gilles Kerdreux
"Une ombre joue du violon. De quelle couleur est la musique ?" Elle est bleue comme la nuit quand Pierrot va chercher Colombine sur son fil, jaune comme des centaines de rires courant sous un chapiteau, noire comme le cri d’une guitare électrique, verte comme une planète qu’on respecte, rouge comme le nez d’Auguste suspendu dans les airs. La plume de ce cirque n’est pas d’une couleur connue, elle est de toutes les couleurs du cœur et de la vie. Bernard Kudlak et son équipe sont des coloristes hors pair, hors norme. Il y a du Toulouse Lautrec chez ces gens là.
C’est encore du cirque parce que les numéros se succèdent, ponctués d’applaudissements, rythmés d’intermèdes. C’est encore du cirque parce que la corde volante fait frémir, que les clowns font rire à perte de souffle, que le talent des artistes laisse bouche bée. Mais ce n’est déjà plus du cirque parce que les fauves faméliques ont disparu, que le clinquant ringard a été liquidé sur le même autel que la musique pompier.
Je croyais vaguement que mon amour nostalgique du cirque, ma culture rock et ma passion du théâtre se rangeaient dans plusieurs cases hermétiques. Le Cirque Plume prouve l’inverse. "La richesse naît des différences", dit Kudlak. Bravo pour la démonstration. Bravo pour cette façon de dire les choses importantes sans le discours ésotérique. Bravo les artistes.
Il y a tant d’images indélébiles dans ce spectacle, tant d’instants forts qu’on ne sait plus lesquels garder. Pourquoi pas ce jongleur de balles de lumière, ce torero de piano, cet orchestre de verres de cristal, ce chien-Zippo (le moins dompté de la troupe) ou cet incroyable clown-animal ? Chaque spectateur a quitté le chapiteau avec son moment préféré chaudement gardé sur le cœur. Auparavant, l’assemblée debout avait ovationné la performance.
II ne reste qu’un drame... Les huit représentations sont complètes.