Luc Chatel
Avec Plic-Ploc, le cirque Plume a trouvé le thème idéal pour confronter poésie et politique. L’eau, qu’elle se présente en gouttes, en jets ou en filets, est un prétexte aux inventions les plus insolites. Elle est aussi au cœur d’engagements très actuels. "L’idée de ce spectacle est née à New York, où nous sommes allés jouer l’été 2001, raconte Bernard Kudlak, l’auteur du spectacle. Il y avait des climatiseurs partout, notamment dans notre chapiteau. L’un d’eux s’est mis à goutter sur la cymbale de l’orchestre. J’ai imaginé que le climatiseur allait fuir. Comme nous étions aux États-Unis, j’ai tout de suite pensé à la politique insensée de George W. Bush en matière d’environnement, qui n’a pas signé le protocole de Kyoto." Le fil rouge du spectacle sera donc une fuite d’eau. Partant du toit du chapiteau, elle place les artistes dans des situations burlesques. "Je me suis inspiré, entre autres, du comique absurde de Charlie Chaplin, explique l’auteur. Et certaines scènes permettent de résumer l’état de notre société. Quand un des personnages se retrouve sous une chute d’eau sans bouger, il illustre parfaitement nos comportements : nous subissons des événements alarmants pour l’environnement en étant incapables de faire un pas en avant, de prendre une initiative." Fidèle à son désir de simplicité, la troupe joue sur un plateau sans décor. Les jeux d’eau et de lumière rythment le spectacle. " Nous avons voulu créer une intimité éveillée avec le public, commente Bernard Kudlak. Mais cette sobriété est risquée : la présence de l’eau sur scène rend la représentation dangereuse. Il peut y avoir des courts-circuits ou des glissades quand les artistes exécutent des sauts. " Parmi les inventions les plus originales, il y a un numéro de jonglage avec des jets d’eau. Les exercices de cirque traditionnel font aussi leur effet, au trapèze notamment. Les enfants se retrouvent alors bouche bée. Pas un bruit ne monte dans l’immense chapiteau quand une jeune contorsionniste entre sur scène pour une parenthèse sensuelle et poétique. L’héritage du cirque classique se fait sentir dans le sens de l’enchaînement, sans temps mort. Les deux heures de spectacle passent d’un trait. La musique, très présente, souligne les changements de rythme et d’ambiance. L’un des temps forts se passe à la plage. Des personnages en maillot de bain traversent la scène en courant : parenthèse absurde, inattendue et hilarante. Suit une séquence émouvante où une plage est reconstituée par des jeux de lumière, et où les activités des enfants rappellent les vacances en famille. Le bonheur simple. Un parfum de nostalgie s’installe. Bernard Kudlak résume : "Nous sommes contents de ce spectacle, non seulement parce qu’il rencontre un vrai succès mais surtout parce que les gens qui nous suivent depuis longtemps disent que nous avons su nous renouveler en préservant notre identité." Dans le public, pendant un numéro de trapèze, un enfant aura ce mot : "On dirait presque du cirque."