Didier Hassoux
Entre tradition et modernité, entre rêve et réalité, le Cirque Plume nous entraîne dans son univers magique. A découvrir de toute urgence.
"Entrez. Messieurs-Dames, entrez, sous mon chapiteau sans toile, mon cirque sans étoiles, mon zoo sans z’animaux... dit la chanson. Sans z’animaux mais avec une âme. En version espagnole : "No animo mas anima". C’est le titre du nouveau spectacle de Cirque Plume.
Avec Archaos ou le Cirque du Soleil, le " Plume " fait partie de cette nouvelle génération du cirque. Les Gruss, Pinder et autres Jean Richard ont vécu. Et c’est tant mieux. Désormais, avec le Cirque Plume, le spectacle est total. Il retrouve, enfin, ses lettres de noblesse.
Ici, donc, plus de lions mal nourris et vieillissant qu’on exhibe à travers les barreaux d’une cage. Mais un chien, Zippo, qui fait le beau lorsqu’on lui dit de s’asseoir et vice versa, qui accompagne, par des aboiements, son maître soufflant dans son sax du Duke Ellington - revu et corrigé " S. Bechett ". Ici, plus de M. Loyal au nœud papillon et à la veste scintillante. Mais un individu qui cherche à balancer un discours bien senti, malheureusement pour lui, couvert par une batterie de tambours. Ici, plus d’Auguste au maquillage dégoulinant qui bêle bonjour "les petites éléphants" en essayant de faire rire. Mais des gags simples, des situations loufoques et cocasses qui rythment le spectacle.
Bien sûr, chez le " Plume " on retrouve des numéros d’inspiration traditionnelle : jonglages, fil de ferristes, trapèze, acrobatie... Mais par les costumes des artistes, par l’enchaînement quasi naturel de tous les numéros, par la musique originale, par la mise en scène et le talent des acteurs, on sort d’un univers devenu banal, au fil des temps, pour rentrer dans un monde de magie et de poésie.
Pénétrer sous le chapiteau du Cirque Plume, c’est prendre rendez-vous avec le beau et le vrai. On y rencontre des artistes à la fois danseurs, musiciens et comédiens. On y voit des instruments en verre, en tuyaux plastiques, en bois, en métal. On se trouve plongé dans une dimension qui éclate, tout au long du spectacle, pour finir en tridimension.
On y contemple des lumières sombres, grises - mais jamais froides - puis le rouge, le jaune, le vert apparaissent pour finir en gerbes de feu. Bref. aller voir le cirque Plume, c’est s’asseoir entre le rêve et le fantastique, c’est rencontrer la modernité et retrouver l’esprit des saltimbanques.
Il y a maintenant huit ans que des saltimbanques ont imaginé le Cirque Plume. Ils étaient neuf "touche-à-tout" à vouloir briller les planches. C’est chose faite, quelque part en Franche-Comté, au printemps 1984, lorsqu’ils entament leur première tournée. Puis, de Maison de la Culture en mini festival, la troupe s’étoffe et devient professionnelle en 1986. De tournées au Bénélux ou au Maroc en succès au Festival d’Avignon et au Printemps de Bourges, de longs séjours parisiens en création d’une Ecole du cirque à Besançon, le " Plume " acquiert notoriété et reconnaissance.
Aujourd’hui, il possède son propre chapiteau de 800 places, toute une infrastructure de matériels et de transports et emploie trente-cinq personnes, dont quatorze artistes. Parmi eux restent toujours les neuf de départ, tous actionnaires et gestionnaires de la Sarl " Cirque Plume ", avec encore la même folie et la même imagination. Et surtout une tête et des chevilles qui n’ont pas enflé malgré leur succès au " Grand prix du cirque ", remis par Jack Lang.
La troupe a tout misé sur "No animo mas anima". Espérons que - comme au début du spectacle - la Plume s’envolera, encore longtemps, tout en haut du chapiteau. Espérons également que - comme à la fin du spectacle - ils pourront dire, encore souvent, avec ironie : "Si le spectacle vous a plu, dites-le à vos amis ; s’il vous a déplu, dites-le à vos ennemis. "