L’Est Républicain30 mai 2017
Les saisons du Cirque Plume
C’est le Cirque Plume, pas de doute : son bestiaire merveilleux, sa forêt onirique, ses forains, ses musiciens .et ses jeux d’ombres. « La dernière saison », ultime création et ode à la nature, est une révérence.
Fumée, toile, feuilles et lumières : bienvenue dans « La dernière saison » du cirque Plume. Ultime création. Épilogue d’une longue et riche aventure entamée au début des années quatre-vingt (lire ci-dessous).
Tout y est ou presque : cette envie d’émerveillement, d’instants poétiques et de joie. Tout l’abécédaire du Cirque Plume, en somme (puisque c’est le nom d’un ouvrage de Bernard Kudlak" le directeur artistique). Une sarabande qui mêle danses, musiques, comédie, mélancolie, acrobaties et théâtre. Un grand manège qui emporte toute la mythologie de la troupe, ses forains, ses musiciens et son attachant bestiaire. Sur scène se pressent des instruments qui marchent, un curieux écureuil et des chevaux invisibles (entre autres...) mais aussi toute notre petite humanité, à poil, ou pas. Et même le Père Noël.
C’est le Cirque Plume, donc, qui livre sa dernière saison (mais qui durera longtemps : des dates sont prévues jusqu’en 2019). Le Cirque Plume qui rit, se contorsionne, balance des gifles et fait des roulades (et il y a matière à concours).
C’est le Cirque Plume qui dit son rapport à la nature. Automne, hiver, printemps, été : toutes les saisons sont là. Et même la dernière, celle qui verrait, peut-être, la fin de l’humanité, celle du plastique et de la pollution atmosphérique.
Ovation
C’est le Cirque Plume et sa forêt comtoise, sa forêt onirique et ses faunes qui dansent sous la Lune. Sa forêt où il neige des plumes.
Le Cirque Plume, enfin, qui retrouve son public à Besançon. Un public qui applaudissait la troupe debout mardi soir dans un chapiteau plein à ras bord. Normal : à peine mis en vente les billets se sont vendus comme des petits pains : 20 000 en dix jours. Autant dire que la troupe jouera à guichets fermés jusqu’au 14 juin. Mais que les rêveurs opiniâtres se rassurent : depuis mardi, tous les jours de spectacle, à midi, le cirque remet en vente sur son site internet les quelques places qui se sont éventuellement libérées pour le soir même.
40 ans de chemins buissonniers
Tout a commencé à Besançon il y a près de quarante ans « par la rencontre sur une péniche, dans une fanfare, de quatre des fondateurs » de ce qui allait devenir le Cirque Plume. Des saltimbanques qui, déjà, mêlaient musique, danse, cirque, boniment et théâtre. Ainsi est né un spectacle : « Amour, jonglage et falbalas ».
Bernard Kudlak et ses pairs l’ignoraient mais ils venaient de créer un spectacle de cirque « nouveau ». Pionniers, donc. Heureux surtout : ils venaient d’ouvrir une « malle aux trésors », pleine de « rêves d’adolescents » et de poésie. Ils n’allaient pas en rester là.
1984, le Cirque Plume naît : un joyeux barnum un peu foutraque, un peu bric-à-brac, embarqué dans des « tubes » Citroën à la recherche d’un « chemin buissonnier ». Ils sont neuf, alors : Michèle Faivre, Vincent Fillioza, Jean-Marie Jacquet, Bernard Kudlak, Pierre Kudlak, Jacques Marquès, Robert Miny et Brigitte Sepaser.
En 1986, c’est le festival d’Avignon, le début de la reconnaissance au niveau national. L’époque des golden boys et de l’argent roi accueille à bras ouverts ces artistes qui n’aiment rien tant que ce qui est fragile, délicat et fraternel.
À l’entame des années 90 le Cirque Plume propose « No Animo Mas Anima ». Un succès : 223 représentations devant 125 000 spectateurs.
Les années passent, la compagnie s’agrandit et sillonne la France et le monde jusqu’au Brésil et à New York (en 2001), sans oublier de revenir chez elle à Besançon. Elle accumule les succès et les sauts périlleux. Car faire des entrées n’est jamais suffisant : l’aventure du Cirque Plume, souligne Bernard Kudlak, est une « prise de risque permanente, encore aujourd’hui ».
En 1996 la compagnie trouve un plus grand chapiteau. Elle décide qu’elle s’en tiendra à cette jauge : près de 1 000 spectateurs quand même. Le chapiteau est toujours là (il à même résisté à la tempête du 26 décembre 1999 à Paris).
2004 : 20 ans déjà. C’est l’année de « Plie Ploc », sans doute le plus grand succès du Cirque Plume : le spectacle est joué près de 400 fois, devant 395 000 spectateurs.
2011 : Bernard Kudlak commence l’écriture de « Tempus fugit ». Le temps a passé. Certains des artistes de la troupe n’étaient pas nés au début de l’aventure.
D’autres sont partis. La troupe réfléchit à son avenir. 2015, C’est décidé : le prochain spectacle sera l’ultime création. Il va tourner durant de longs mois. Et puis, après, il faudra refermer la malle aux trésors et ranger les archives accumulées avant de les confier à la bibliothèque nationale François-Mitterrand. Une plume aussi légère fut elle laisse une empreinte.
Céline Mazeau