"Tempus fugit ? une ballade sur le chemin perdu"
est le spectacle des 30 ans. Du Cirque Plume, du renouveau du cirque.
Pour ces 30 années de désirs, de joies, de peines, de vie, nous créons un spectacle festif.
Un spectacle sur le temps –"le chemin perdu", chez les horlogers, c’est l’espace entre ce qu’ils nomment le repos et la chute, autrement dit entre le tic et le tac - la transmission, l’histoire, le sens, qui s’amuse librement d’avant en arrière et dans tous les sens, sur l’idée que nous nous faisons du temps. Toujours et avant tout sur le partage.
Nous célébrons ces années de liberté, en mélangeant notre répertoire à la culture et la virtuosité des artistes d’aujourd’hui.
Dans l’espace infini de l’éternité de l’instant.
Ultime définition du moment de cirque.
(Ce spectacle dure 1h50 sans entracte - déconseillé au moins de 5 ans)
En guise d’explication du titre (car on nous en fait quelquefois la demande et aussi pour que personne n’oublie dans ses écrits ni le point d’interrogation, ni les deux ailes de la ballade …)
Tempus fugit
Se prononce comme on veut (même les latinistes en discutent) : le temps fuit.
En latin, indication courante sur les cadrans solaires, peut-être également à l’entrée de certains cimetières.
Prononcé en version française, c’est le thème de bien des conversations des personnes de plus de 23 ans...
? point d’interrogation
Au cirque, cette affirmation "Tempus fugit" est incertaine : le temps du cirque est immédiat, il est celui de l’instant. C’est donc un temps éternel.
Tempus fugit ? Pas au Cirque Plume !
Une ballade
Avec 2 (deux) L, car le cirque est un poème en acte. Mais comme ce spectacle est aussi une promenade dans le poème de la représentation, on aurait pu mettre trois ailes. Une balllade sur le chemin perdu, ça aurait eu de la gueule !
Mais c’est déjà assez compliqué comme ça...
Sur le chemin perdu
"Le chemin perdu" est un terme d’horlogerie qui qualifie, dans le système d’échappement d’une horloge comtoise, l’espace compris entre les deux pointes de l’ancre, appelées le repos et la chute.
En plus clair, le chemin perdu, c’est l’espace entre le tic et le tac.
On va y être bien, là, entre le repos et la chute, sur le chemin perdu… Avec vous !
C’est ainsi que "Tempus Fugit ? une ballade sur le chemin perdu" est bien le titre de ce 10ème spectacle du Cirque Plume.
(On a transpiré, hein ?!)
Je ne sais pas vous, mais nous, on vieillit.
Et cela nous va : on est heureux de vivre tous les âges de notre vie (enfants du baby-boom, nous sommes la première génération à pouvoir espérer collectivement ce possible, grâce à la science et à la solidarité sociale).
Le Cirque Plume a été créé par les enfants de ce XXème siècle de barbarie, de l’après-guerre 1914-1945, suicide d’un continent.
Nous avons été la jeunesse du silence de toute cette horreur. Ce silence des parents et de la reconstruction pesait sur nos épaules.
Nous avons été enfants pendant les crimes de la décolonisation (+ de 50 ans pour officiellement parler du 17 octobre 1961).
Nous fûmes aussi enfants des valeurs et des espoirs du Conseil national de la Résistance, des valeurs ouvrières, socialistes, républicaines, chrétiennes progressistes, de l’éducation populaire.
Nous avons été la jeunesse qui essaya d’inventer d’autres modèles.
Nos désirs étaient sans limites. Le temps de l’espoir fut celui de notre adolescence. Nos rêves se sont pliés au réel, mais nous ne les avons pas abandonnés.
À la lumière de cette réalité, nous avons, au début des années 80, décidé de créer un établissement de cirque, pour mettre en jeu ces rêves-là.
L’humanité barbare avait triomphé et régné sans partage peu avant notre naissance, nous cherchions la poésie, la fragilité, l’humilité, la responsabilité, la joie et le partage du vivant.
Par absolue nécessité.
Nous avons créé des spectacles qui réunissaient tous les âges et classes sociales de la société, dans des instants d’émotion partagés sans restriction.
Nous avons montré qu’une démocratisation culturelle du spectacle vivant était possible à travers ce qui dans l’humain nous est à chacun à la fois unique et collectif.
Nous sommes encore ébahis d’avoir réussi – pour un temps, (et c’est tout le contenu de ce projet) – ce pari.
Nous avons choisi les arts du cirque pour les trésors artistiques et oniriques qu’ils nous apportaient.
Pour ce qu’ils ont de transversalité, parce que la sensibilité du spectateur importe plus que ses connaissances et références scolaires et culturelles. Ils nous ont été accessibles aussi parce que le moins porteurs de discrimination sociale.
Et disons-le, à ce moment-là on donnait le cirque pour obsolète, pour mort, on a profité des soldes…
Nous en avons créé une forme populaire, inventive, indépendante, rentable et non commerciale.
Nous avons fait des spectacles formidables.
30 ans déjà et c’est encore comme ça !
Nous sommes admiratifs et sensibles au talent et à la vivacité créative des jeunes générations, au sein de notre troupe comme au sein de nouvelles compagnies de par le monde.
Nous partageons, depuis le début, notre histoire avec celle des artistes qui nous accompagnent.
Nous faisons de ces partages le thème et le réel de "Tempus fugit ? une ballade sur le chemin perdu".
Dans l’éternité d’un saut périlleux.
Bernard Kudlak
Le spectacle de cirque est un spectacle vivant.
Le spectacle du Cirque Plume est fait par des vivants pour des vivants ;
Il est joyeux, coloré, profond, poétique, sale, brouillon, précis, il est comme la vie.
Il se nourrit d’un échange entre une bande d’humains debout sur des planches, en vol sur des cordes, en sauts périlleux sur des vélos, en souffle sur des rayons de lumière, en invention sur des musiques, en équilibre sur des plumes, et une autre bande d’humains assis sur des planches, debout dans leur tête, en vol dans leur cœur, en souffle avec d’autres, en invention sur des images, en équilibre sur un frêle poème qui surgit du fond des temps depuis que des primates à pouces opposables se réunissent en cercle pour chanter jouer danser dire montrer leur stupéfaction d’être et essayer de comprendre une étincelle de ce mystère.
Notre spécificité c’est la fragilité, l’échange, et ce désir du fond des temps, cette nostalgie d’idéal disait Andreï Tarkovski.
Le cirque est un poème en acte. À partager.
"Ah bon vous n’avez pas de piste ?" Mille fois cette question à propos de notre espace scénique frontal. Surprise de voir un spectacle de cirque sous chapiteau utilisant cet espace théâtral (qui est aussi celui du music-hall) : la boîte noire.
La piste elle, est cet espace scénique circulaire de 13 m de diamètre créé par le besoin technique de la distance nécessaire entre un cheval et l’homme qui le fait tourner en rond. Autour de cette piste, le public est installé en cercle. Cette configuration est la plus rationnelle pour avoir le plus possible de spectateurs assis dans un espace donné. C’est le plus ergonomique.
L’espace frontal dans un chapiteau est une erreur économique. La boîte noire est une solution artistique ruineuse, mais si généreuse.
"Boîte noire" : ces mots évoquent pour moi, un carton dont le couvercle est recouvert d’un linge de vaisselle à liserés rouges, au fond duquel tourne en rond une araignée capturée et détenue là, que l’on surveille de temps en temps avec un frisson de plaisir et de peur.
La boîte noire au théâtre, au cirque, au music-hall, à l’opéra, contrairement à son nom, est une boîte de lumière, une boîte à lumière.
Le noir de la boîte noire est le noir qui révèle. Noir velours des rideaux de scène, noir fait pour créer l’oubli du noir.
Noir absence, indispensable à la présence, comme l’air que l’on respire sans y penser l’est à la vie.
La boîte noire est une boîte blanche, rouge, ambre, carmin, bleu azur ou outre mer, violet violine, dans tous les sens possibles qu’inventera la lumière.
Boîte à lumière, boîte à montrer, boîte à magie, boîte à illusion, boîte à joie, à bonheur, à plaisir, à vie pour les spectateurs et les acteurs du cirque.
Tant de "boîtes" possibles et cependant, aussi vrai qu’elles ne sont pas noires, elles ne sont pas non plus des boîtes. Absence aussi d’enfermement.
La boîte, comme le noir n’est qu’un état technique permettant de l’oublier.
L’espace devient infini, infiniment petit ou infiniment grand, l’espace n’est pas celui d’une boîte, d’une paire de rideaux de velours, mais celui sans limite de l’imaginaire des propositions spectaculaires.
Nous avons choisi cet espace pour la lecture qu’il offre, pour les possibilités d’illusion qu’il propose, pour le regard de l’artiste vers chacun des spectateurs, pour le sens des entrées et des sorties. Pour le jardin et la cour. Pour la possibilité des lumières, des clairs obscurs découpant les corps pour des spectateurs qui les voient tous du même angle de vue. Ou presque.
Nous avons choisi cet espace scénique parce que nous travaillons les ombres et les ombres se découpent plus simplement sur un fond de scène ou sur un voile de soie.
Nous avons choisi cet espace car il rend possible un orchestre sonorisé en mouvement sur la scène. Cet espace permet de travailler les retours son en tous points, ce qui, dans un espace circulaire, est quasiment impossible.
Nous l’avons choisi aussi pour des effets de grandes illusions dans la tradition du music-hall.
Du point de vue du spectateur, cet espace se lit de face, comme un livre, comme un tableau, comme un film, comme une affiche. Nous avons intégré profondément ces codes de lecture et ce que nous y lisons est conditionné par ces codes.
Du fait de ces codes, l’utilisation d’un espace frontal réduit la distance entre le temps du théâtre (celui de la narration) et le temps du cirque (le temps immédiat) : il modifie quelque peu le jeu et les possibilités de jeu des artistes.
En tout cela, la boîte noire nous offre une liberté plus grande qu’une piste pour créer l’univers poétique, musical particulier au Cirque Plume.
Bernard Kudlak