Le Cirque Plume habite un chapiteau de cirque et le Jura des forêts : lieux magiques accueillant en leur sein les monstres et les anges, les joies et les peurs enfantines, les paradis oubliés.
Aujourd’hui, la nature, le vivant, le sauvage sont devenus des objets. À détruire ou à consommer…
Le Cirque Plume s’empare de la forêt, de la neige et du vent. À sa façon, dans le rire et la fragilité, en actes de cirque et de musiques.
"La dernière saison" est un poème à partager.
Une dernière fois.
(Le spectacle dure 1h50 sans entracte - déconseillé aux moins de 5 ans)
Partir.
Préparer son départ.
Partager son départ.
Ne pas partir, rester avec vous, partager ce moment où nous ne sommes pas partis, avec vous.
Dire au revoir.
Une dernière tournée, une dernière saison.
Un spectacle de finesse si on peut.
Un spectacle de joie, simple et coloré.
Une fête.
Un pot de retraite ?
Aurons-nous de la peine ? Je ne le pense pas.
Faire le chemin de tout ce temps de créations et de représentations ? Non !
Faire le chemin de tout ce présent de représentation, ici, aujourd’hui, avec vous, avec "La dernière saison" ? Oui !
C’est le projet.
Le seul vrai projet.
Un spectacle qui traverse les saisons, comme on traverse les âges.
Que l’on soit humain ou humanité ou planète terre ou galaxie ou univers.
Humains ou divins.
Un début, une fin.
Saisons d’un spectacle, saisons à peine effleurées en ce qu’elles nous emplissent de la joie de leurs présents.
Neige, feuilles, fleurs, parfums, chants et sons. Et fêtes. Mariages et enterrements. Naissances toujours arrivant.
Amour.
Amours.
Ah ce serait bien d’écrire ce texte au printemps ! Ça tombe bien nous sommes en mars.
Donc on vient vous dire adieu. On va venir vous dire adieu.
Quelle chance ! Nous vous espérons.
Le Cirque Plume donne représentation de son dernier spectacle.
Le commerce, les religions, les tyrannies nous promettent l’éternité. La plus basse proposition faisait mille ans.
Par essence, l’éternité qui nous est donnée est celle de la lecture, la vision, le partage d’un poème.
Quelle qu’en soit sa forme, il peut être un vol de freux sur un champ de blé.
Le regard d’un renard sur le chemin de la promenade, une goutte d’eau dans une feuille de rhubarbe, pour reprendre des images fondatrices de notre histoire.
Et puis les poèmes des humains, les livres, les bibliothèques. L’art et la vie.
La vie vivante, consciente de vivre, présente.
Etre présent.
Nous serons présents.
Vous aussi.
Ensuite, nous irons pêcher d’autres rêves sur d’autres rivières.
Et vous irez partager d’autres éternités avec d’autres artistes. Avec ceux qui jouent dans cette "dernière saison", je n’en doute pas.
Nous serons toujours avec vous.
Peut-être même assis à vos côtés sur le gradin trop dur d’un chapiteau épanoui.
On n’a pas fini de s’émouvoir.
Pour le Cirque Plume
Bernard Kudlak
Mars 2015
Au cours de l’hiver 2015, Charles Belle retourne au cœur de la forêt de son enfance. Il choisit un endroit reculé pour tendre une toile entre deux arbres.
Il fabrique un outil avec un long morceau de bois et un bloc de fusain. C’est avec cet outil qu’il commence à jeter sur la toile un dessin de branches. Les conditions sont difficiles, la toile de huit mètres de long et trois mètres de haut se déforme. Les branches des arbres l’empêchent. La neige est profonde. Pourtant ses gestes sont amples, fulgurants. Les noirs sont intenses, les lignes sont vibrantes, le dessin surgit. Dans cette énergie particulière, il réalise un second dessin sur l’autre face de la toile. Encore plus obscur, plus impénétrable. Ces dessins semblent contenir tout le mystère d’une âme.
Charles Belle part, abandonnant les dessins à la forêt.
Pendant de longs mois, le vent, la neige, la pluie et les branches, griffent, patinent, abîment la toile.
Un an plus tard, au début de l’automne 2016, Charles Belle revient. La toile est envahie par la végétation, telle un intrus confisqué par la forêt. Dans un geste meurtrier, Charles Belle recouvre de noir le premier dessin. La poussière de charbon s’incruste dans sa peau, dans ses yeux, dans sa chair. Il semble effacer la trace de son existence pour la rendre à la forêt. C’est une part de lui qu’il laisse à cette mémoire qu’il ne visite plus.
Il abandonne à nouveau ce monolithe noir à la forêt et au temps.
Ces deux dessins ne sont connus de personne. Ils existent en silence. Malmenés par la puissance des éléments, ils s’inscrivent dans le rythme de la forêt. Ils disparaîtront peut-être, déchirés par un orage ou par la chute d’un arbre...
Ce n’est qu’à l’automne suivant que Charles Belle revient accompagné de ses amis du Cirque Plume. Ils découvrent ensemble les dessins. Devenus fossiles de la forêt, ils sont patinés par les griffures des arbres, par les tempêtes, par les pluies, le soleil et toutes les lunes. Au fil des jours, les lignes du premier dessin réapparaissent sous le noir, elles contiennent toute la force de ce que veut dire exister, être présent au monde. La mélancolie s’est emparée de ce territoire .
Pour Bernard Kudlak, l’histoire de ces dessins doit continuer de s’écrire.
Il revient donc avec toute la troupe du Cirque Plume pour « l’enlèvement ». La musique, la danse, les instruments, résonnent dans la forêt. La troupe accompagne dans un rituel intense, ce moment où Charles Belle décroche la toile. Tous ensemble ils la portent comme le corps d’une personne précieuse.
Chargés de sept saisons, de toutes leurs mémoires et des tremblements de l’être, les deux dessins accompagnent la troupe dans sa dernière saison, au rythme des représentations ils vont continuer à se nourrir de la poésie du Cirque Plume.
Noémie Belle-Paya, 2017