Colette Godard
La nouvelle vague du cirque n’est pas portée par les enfants de la balle, mais par ceux qui viennent de la rue, du théâtre de rue - bientôt la seule altenative à l’institution. Le cirque Plume, quant à lui, vient d’une fanfare. Né en 1984, il a joué aux gens du voyage, a beaucoup tourné, s’est agrandi d’année en année, a reçu des mains mêmes du ministre de la culture le Grand Prix national 1990, s’est transformé en moyenne entreprise de " 30 personnes dont 14 artistes de très haut niveau ", prévient le dossier de presse, bref le cirque Plume s’est officialisé, est devenu adulte.
Mais il n’a rien oublié, rien perdu de sa poésie. Son spectacle actuel - dans un grand chapiteau de huit cents places au Parc de La Villette - inscrit des numéros traditionnels de trapézistes, d’acrobates, de jongleurs, de funambules dans des éclairages très travaillés et des décors simples - grands drapés blancs, grandes formes géométriques faites de tubes en bois, de pendeloques en métal qui se balancent et tintent. Il y a des "dialogues" magnifiques entre les personnages et leur ombre portée, entre eux et les objets, des tours de lumière comme on dit " tours de magie ", des danses d’ombres chinoises...
Le spectacle a pour titre No animo, mas anima, le seul animal étant un chien jazzman, et une sorte de primate interprété par un costaud léger comme une bulle, souple et angélique. Au cirque, on est obligé de passer par un certain nombre de " figures imposées ". C’est l’entourage qui fait la différence, et l’humour. On ose à peine parler de clowns parce que la nouvelle vague n’endosse pas l’habit de lune, délaisse le blanc sur le visage...
A peine si un nez rouge vient rappeler la tradition. C’est celle du théâtre de rue, des blagues et tabarinades éternelles que les artistes du cirque Plume ont retrouvée, avec une pêche d’enfer, un plaisir qu’ils savent communiquer, et cette poésie sans la moindre mièvrerie qui est, d’abord, leur marque.