Le Monde
28 juillet 2017

Le Cirque Plume, star des arts de la piste, présente son ultime spectacle aux Nuits de Fourvière

Le Cirque Plume, star des arts de la piste, présente son ultime spectacle aux Nuits de Fourvière | Le Monde (presse_lds) {PDF}

Burlesque et légèreté marquent « La Dernière Saison ».

Pour Plume, star des arts de la piste, il faudrait inventer une nouvelle catégorie, celle du cirque d’atmosphère. Atmosphère ? Pour ses gueules d’artistes de tous les âges merveilleusement inoubliables, ses musiques jazz flonflons qui font léviter les acrobates, ses décors oniriques avec chute de plumes comme des flocons de neige, ces coups d’éclats et cette façon de parler direct au public.
Le poids lourd piloté par Bernard Kudlak depuis 1983 – avec un nom comme Plume, il fallait bien compenser ! – est le succès longue durée des Nuits de Fourvière, à Lyon. Depuis le 30 juin, sur le site du parc de Parilly, le chapiteau de la troupe, dont la jauge est de 980 places, fait toile comble tous les soirs avec La Dernière Saison. Près de trente mille spectateurs au total se seront serrés sur les gradins d’ici au 5 août. Rien que le brouhaha du public avant le spectacle, le tapage des quatre fers à la fin, et entre les deux les vagues de rires et de chaleur, remplissent d’une bonne humeur rare. La communauté prend au cirque une évidence lumineuse.

La Dernière Saison est annoncé comme l’ultime spectacle du Cirque Plume. Il ressemble au paquet cadeau final d’une aventure unique dont les artistes – un collectif composé à l’origine de Brigitte Sepaser, Jean-Marie Jacquet, Hervé Canaud, Michèle Faivre, Jacques Marquès, Robert Miny, Pierre et Bernard Kudlak – sont toujours présents sur les rangs. Va-t-on vraiment croire que c’est la der des ders ? Aucun esprit testamentaire apparent dans cette équipée de numéros, sketches théâtraux, échappées clownesques et autres fanfaronnades musicales impeccablement réglées. Sauf peut-être une confidence glissée à l’oreille comme un vrai secret de fabrication qu’il ne s’agit pas d’oublier : la revendication de la liberté, d’une certaine fidélité à soi-même, couronnée par de l’humour.

Charme et virtuosité

La compagnie, socle du nouveau cirque au début des années 1980 avec des références comme le Bread and Puppet Theatre, le Living Theatre, Chagall et Baudelaire, perpétue son invention au plus près des interprètes. L’acrobatie est le cœur battant de La Dernière Saison avec quatre jeunes femmes à tomber de charme et de virtuosité – Natalie Good, Anaëlle Molinario, Amanda Righetti et Analia Serenelli. Au mât chinois, au double fil, à la contorsion, elles épatent par leur technique de très haut niveau auréolée d’une désinvolture juvénile qui fait passer l’exploit comme une lettre à la poste. En compagnie du danseur Xavi Sanchez, un pas de deux rivalise d’entrelacs aériens. Sans doute, quelques numéros de voltige, par exemple, et autres prouesses inédites auraient lesté le propos qui semble parfois plus théâtral que cirque.
La Dernière Saison tire le fil d’une fable excentrique sur l’évolution depuis le gorille (trop présent mais parfaitement incarné par Cyril Casmèze qui sait aussi hennir) jusqu’à l’homme. L’animal tout court – et en nous aussi – s’ébat sur la piste. Avec ce parti pris présent depuis les débuts de Plume de ne pas intégrer d’animaux sur scène mais de les faire jouer par des humains. L’autruche à chaussettes rouges (Pierre Kudlak) qui pont des œufs et le panier en osier pour les ramasser est la mascotte de cette pièce qui égrène ses tableaux sur fond des quatre saisons. Les rideaux tombent, les écrans glissent, la caravane (de musiciens, de balayeurs, de créatures de la forêt…) passe et repasse, égrenant des saynètes, des gags, des sons…
Pour cet ultime tour de piste, les embardées poétiques sont les plus courts chemins pour décoller. Vers le rire d’abord en pariant sur le burlesque et la légèreté. S’amuser sans compter pour chahuter les acquis et les attentes. S’amuser pour conserver l’esprit d’enfance en se faisant plaisir. Sur les musiques de Benoît Schick épaulé par six acolytes, Plume, cirque d’atmosphère, ne tire jamais la gueule et sourit envers et contre tout.

Rosita Boisseau