Le cirque contemporain souffre d’être le "parent pauvre" du spectacle vivant mais affiche sa vitalité artistique et sa diversité sous chapiteau cet automne à Paris, à l’image du Cirque Plume, invité à la Villette, et du "village de cirque" aménagé sur la pelouse de Reuilly.
Implanté en Franche-Comté, le Cirque Plume fête son quart de siècle. Et il le fait en présentant jusqu’au 20 décembre au parc de la Villette son neuvième spectacle, "L’Atelier du peintre".
On y trouve ce qui fait la saveur du "nouveau cirque" inventé en rupture du cirque traditionnel à la Zavatta, Grüss ou Pinder : pas de dressage d’animaux sauvages bien sûr, pas de piste mais un travail thématique très élaboré, ici autour de la peinture.
Ce spectacle relevé d’une création musicale live comporte des "numéros" impressionnants (jongle, trampoline, acrobatie, sangles aériennes...) et ne fuit pas la performance. "C’est absolument l’essence du cirque, ce possible incroyable qui fait qu’on se présente au plus haut niveau", explique à l’AFP Bernard Kudlak, fondateur et directeur artistique de la compagnie.
"L’Atelier du peintre" n’offre "pas de narration théâtrale" mais "une narration poétique qui invite le spectateur à passer de résonance en résonance", suggère le metteur en scène. Le Cirque Plume a le don de l’image mouvante, tendre ou drôle, comme ce tableau avec odalisque qui s’anime ou ce funambule sur un cadre s’envolant telle une sorcière sur son balai.
Le spectacle témoigne de la belle santé du cirque contemporain, qui a su s’enrichir au carrefour de la danse, du théâtre et des arts plastiques. Tout en gardant sa dimension populaire. "Le cirque est enraciné dans les plus profondes mythologies humaines, c’est la nostalgie du paradis, et ça c’est unanimement partagé", souligne Bernard Kudlak.
De fait le Cirque Plume, qui est l’une des plus importantes compagnies françaises dans son secteur avec ses 13 artistes permanents, attire les foules : ses six précédents spectacles ont été vus par près d’1,5 million de spectateurs cumulés, à la faveur de grandes tournées en France et à l’étranger.
Mais son économie demeure fragile, avec un autofinancement de 84% (90% pour son dernier spectacle). Plus largement, "le cirque est un parent très, très pauvre, quand on voit comment sont soutenus le théâtre ou la danse", relève Bernard Kudlak.
Le Cirque Plume aimerait d’ailleurs bénéficier d’une "aide au fonctionnement de la salle de spectacles" pour son coûteux chapiteau, auquel il est très attaché. "Avec le chapiteau, le public vient chez les artistes, ce ne sont pas les artistes qui vont dans un théâtre, et c’est un lieu qui modifie la structure de la ville", fait valoir Bernard Kudlak.
La coopérative 2r2c ("de rue de cirque") plaide elle aussi pour "les compagnies qui choisissent le chapiteau comme de vie et défendent un autre rapport au public et à la création". A l’image des pionniers du Cirque Baroque et des jeunes artistes de la Compagnie Galapiat, qui animeront un "village de cirque" sur la pelouse de Reuilly jusqu’au 1er novembre.
"Je ne suis pas du tout dans une démarche identitaire, je suis très content que des lieux fixes programment du cirque", indique le gérant de 2r2c, Rémy Bovis, citant notamment les théâtres parisiens de la Cité internationale et Silvia-Monfort.
"Mais c’est important de défendre le chapiteau et la liberté d’apporter son propre espace de jeu", ajoute-t-il, alors que les circassiens "ont de plus en plus de mal à s’installer à Paris et dans les grandes villes".
Benoît Fauchet