Le martimpression28 janvier 2018
Le bel envol de la dernière "Plume"
Le Cirque Plume a entamé son ultime tournée au printemps dernier. « La dernière saison » entraîne quand même Bernard Kudlak et sa compagnie jusqu’en 2021. Quatre ans pour dire adieu. Le théâtre de Caen participe largement à ce salut. Il a réservé seize dates à ces précurseurs du nouveau cirque. C’est en ce moment et toutes affichent complet. Largement mérité.
Il y avait Les Quatre Saisons de Vivaldi. Il y a désormais les Quatre Saisons du Cirque Plume. En guise de cadeau d’adieu à la scène comme à la piste, Bernard Kudlak imagine d’évoquer dans cette « Dernière Saison » le cycle d’une année. Il y réunit tout son art de créer un imaginaire d’humour et de poésie, servi par des acrobates et des musiciens hors pair.
Des feuilles tombent. On entend le grésillement des grillons. Bien vite, s’installe l’ambiance d’une forêt avec ses « trolls » de personnages, dont une créature tout en buste comme échappée du film « The Square ». A la différence que Cyril Casmèze qui l’incarne provoque les éclats de rire.
Tout à la fois gorille, sanglier ou centaure, le performeur ajoute à l’attitude zoomorphique une palette de grognements et hennissements, auxquels ne peut rivaliser le monsieur Loyal de la bande. Pierre Kudlak (le frère de l’autre) se retrouve bien démuni face aux pectoraux de ce « Hulk ». On croirait revoir la situation faite dans « Le Corniaud » à un Louis de Funès confronté à un culturiste dans les douches d’un camping…
« La dernière saison » joue ainsi des contrastes entre une force révélant une sorte de machisme ridicule _ à l’exemple de cette scène de plage inspirée par la démarche d’un Aldo Maccione dans « L’aventure c’est l’aventure » _ et une grâce non dénuée d’autorité représentée par quatre jeunes femmes acrobates stupéfiantes.
Entre le passage de voitures-balais, où, là encore, le bruitage de Cyril Casmèze fait merveille, et l’enterrement des feuilles mortes qu’accompagne une marche funèbre, Analia Serenelli exécute depuis un anneau suspendu des figures des plus raffinées. Succède l’hiver, avec ses chutes de flocons sous forme de plumes. Xavi Sachez Martinez danse avec l’une d’elles, évoluant avec élégance et inventivité les accents d’une douce mélodie jazzy.
La qualité et la diversité des compositions musicales ajoutent au bonheur visuel tant des tableaux et lumières _ comme la référence à la frise de l’évolution humaine _ que des actions.
On les doit à Benoît Schick, dont la voix « rauque n’ roll » à la Tom Waits participe de cet environnement aussi stimulant que féerique. Et burlesque aussi bien sûr avec cette confrontation cocasse entre un Père Noël et un Père Fouettard.
Et aussi ce numéro époustouflant d’Anaëlle Molinario, petit Chaperon rouge empêtrée avec paire de skis. On ne sait plus où donner de la tête avec cette contorsionniste aussi malléable qu’une poupée de chiffon. Spécialiste du mât chinois, Amanda Righetti, s’en fait un curseur étonnant de maîtrise et de précision qui s’inscrit dans un hymne à l’astre lunaire.
Le printemps et son sacre reviennent avec leurs figures mythologiques et aussi l’arrivée des œufs de Pâques pondus par un ornithorynque (en tout cas un volatile du même acabit), qui fournit aussi le panier.
Au rythme d’une musique soul, que précède un saisissant trio de percussionnistes, Nathalie Good se joue de fils parallèles. Elle dégage un enthousiasme euphorique. La brise estivale qui s’annonce cache en fait derrière elle une tempête dispersant des vagues de déchets. Le message est clair. Remontez vos manches, citoyens, attisez votre vigilance pour que les saisons ne s’affolent pas.
Mais, c’est sur l’image paisible d’un petit bal de 14 juillet où résonne une musique à la Yann Tiersen, que se ferme « La Dernière Saison » du cirque Plume. On sort de cette fable au poil avec des souvenirs pleins les yeux, et un sourire jusqu’aux oreilles, qui tintent encore des rires délicieux d’enfants.
Xavier Alexandre