Ouest France
4 avril 2018

La dernière saison du cirque Plume est un rêve

La dernière saison du Cirque Plume est un rêve | Ouest France (presse_lds) {PDF}Chaque soir, ils remplissent leur chapiteau à Rezé, attirant fidèle et curieux. Le spectacle, annoncé comme l’ultime tour de piste de la troupe, est un ravissement de bout en bout.

On a vu
Grande première pour Billie, 7 ans. Vendredi soir, la fillette de Haute-Indre a découvert le cirque Plume, à Rezé. Un lever de rideau très attendu, amorçant une série de 28 représentations dans le quartier du Château.
Billie ressent-elle un peu du trac des saltimbanques ? Blottie entre ses grands-parents, un doudou troué contre elle, la brunette tend son regard vers la scène.
Le spectacle n’est pas commencé que, déjà, quelque chose se raconte. Un arbre aux longues branches nues, des feuilles d’automne qui tourbillonnent, une lumière dorée et enveloppante. Un sac plastique s’invite sur le plateau, brise l’harmonie tranquille de ce premier tableau en forme de préambule.

Bavards

Marie, la grand-mère nantaise de Billie, est une fidèle de la troupe franc-comtoise : « Ils ne sont pas dans la performance, mais dans une esthétique qui leur est propre. Magie, émotion, beauté… Je ne voulais pas manquer leur dernière tournée. »
Marie confie pourtant ne pas tout aimer chez Plume. Elle les « trouve parfois trop bavards. Au point de laisser peu de place à l’imaginaire. »
Paul, son époux, se souvient  : « J’ai dû les voir six ou sept fois. La première, c’était à Dijon, dans leur région. Ces pionniers du cirque nouveau ont inspiré beaucoup de troupes. »
Hubert, 67 ans, s’installe dans les gradins avec gourmandise. Pas question pour l’homme aux cheveux blancs de louper La dernière saison. Il doute toutefois de la sortie de piste de la troupe de Bernard Kudlak : « Ils nous ont déjà fait le coup ».

Prouesses
Et reste confiant sur la capacité de Plume à l’épater et le toucher. « Il faut se laisser aller, rentrer dans leur univers, détaille-t-il. Avec eux, on n’est pas derrière une vitre : c’est comme si on faisait partie du spectacle. »
Assise à ses côtés, Maryvonne, 66 ans, confie : « se sentir bien » à leur contact : « Je retrouve mon âme d’enfant. Sans doute à cause de ce côté merveilleux. Ce qu’ils proposent est au-delà du cirque. »
Hubert tient à rappeler que Plume, via des numéros périlleux, sait aussi se mettre en danger. Pour lui, « Ce n’est pas que du théâtre. Les artistes réalisent des prouesses physiques. »
Anne, 47 ans, les a vus « il y a bien longtemps », à Saint-Herblin. Des images « d’une grande force poétique » dansent dans sa mémoire. Ce jour-là, elle a « découvert le cirque sans animaux. C’était à la fois audacieux et d’une grande finesse ».
Quand elle a su que Plume annonçait sa dernière tournée, elle s’est précipitée. « C’était la folie. Dès le début, les places s’arrachaient. Pourquoi suis-je passée à côté des dernières tournées de la compagnie ? Je m’en veux encore. » peste la Rezéenne au manteau rouge.

Drôles de zèbres
La dernière saison débute. Égrène des scènes à la beauté subtile. Tableaux baroques, désopilants ou limite dérangeants, comme cet homme-gorille-chien-cheval (génial Cyril Casmèze) abolissant la frontière entre l’humain et l’animal. Et qu’importe si La dernière saison, fable écologique, est un peu fourre-tout, le charme opère.
Raconter Plume, c’est évoquer une tribu sortie d’une forêt d’ombres. Créatures sauvages, fanfare apprivoisée et drôles de zèbres passent et repassent, au rythme des saisons et des flonflons.
Une femme-iguane d’une grâce inouïe (Analia Serenelli, notre coup de cœur) vampe un jongleur de plumes. Un père Noël se fâche. Des machos exhibent leurs biscotos. Un ibis aux chaussettes rouges pond des œufs. Une skieuse reste empêtrée dans des skis-serpillières (irrésistible Anaëlle Molinario)…
Le temps s’envole. On rit devant les clowneries plumesques, on tremble devant la virtuosité des acrobates féminines, toutes captivantes, et on prie pour que La dernière saison n’en soit pas une. C’est alors que, au creux des gradins, on entend la petite Billie s’écrier : « C’est un rêve ou quoi ? »

Et tout est dit.

Isabelle MOREAU