Dominique DUTHUIT
Et si, au cours d’une représentation de cirque, l’eau s’infiltrait insidieusement sur la piste, qu’adviendrait-il ? Pendant neuf mois, Bernard Kudlak, metteur en scène et fondateur du Cirque Plume, a imaginé avec toute son équipe d’artistes, de musiciens et de techniciens, un spectacle catastrophe. Pas un de ceux qui visent à réveiller les angoisses, au contraire. L’eau, dans " Plic Ploc ", 8e création de la compagnie, est un élément stimulant qui participe à la création d’autre chose. Tout commence par une première fuite, vite réparée, au cours d’un numéro burlesque. Puis les artistes s’appliquent à construire un magnifique tableau de métronomes fleuris, battant avec régularité le cours du temps. Quand plic ! Une nouvelle goutte rompt le mécanisme. La tribu du Cirque Plume se saisit de cette panne et en joue avec jubilation. L’eau progressivement devient la source qui favorise le jaillissement d’idées toujours plus audacieuses, de numéros sensuels, enfantins et fraternels. Le liquide est recueilli dans des récipients, prétextes à un joyeux concert aquatique, il déclenche une soirée commémorative de novembre, il est jeté sur l’autre, bu, utilisé pour jouer à la balle, à l’otarie, à la plage. Les fonctions de chacun sont bouleversées, l’une s’improvise plombier, l’autre dompteur de monstre, l’autre encore bulle ou corps en suspension. Le délire succède à la beauté, la beauté à la poésie, la poésie à la chorale, sans poursuivre un ordre déterminé. A l’aide d’éléments récurrents : parapluie, récipient, échelle, tuyau, clé de 8, les artistes nourrissent la panoplie de leur savoir-faire irréprochable et ouvrent le champ des possibles. Jamais à court d’inspiration, " Plic Ploc " déploie la propension collective à inventer, à s’unir et à redécouvrir la vie.
CRITIQUE. Cette création est un remède contre la fatalité, artistes et spectateurs participent, dans un même état d’euphorie, à l’édification du paradis.